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ABBAYE SAINTE-ANNE DE KERGONAN

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Pr�s de Plouharnel, paroisse du dioc�se de Vannes, � la base de la presqu��le de Quiberon, s��l�ve l�abbaye Sainte-Anne de Kergonan. Le pays alentour est plat, souvent fouett� par le vent du large, sans grand agr�ment ; il ne manque pas pourtant d�un certain caract�re, avec ses chemins creux, ses murets de pierres s�ches, ses ajoncs dor�s. L�abbaye, de style roman assez aust�re, �paul�e par de puissants contreforts, est construite en granit gris du pays. Sa masse impose au spectateur une forte impression de solidit� et de dur�e.

Abbaye de Kergonan, Bretagne

Vers 1934, la chapelle, futur r�fectoire, occupe la plus grande partie du rez-de-chauss�e ; c�est une salle spacieuse et tr�s claire, assez peu adapt�e malheureusement � sa destination pr�sente. Le clo�tre qui l�avoisine offre alors une suite de trav�es couronn�es de coupoles, dont les briques rouges tranchent vivement sur le gris patin� de vert des piliers. Les deux �tages sup�rieurs sont en 1936 occup�s par la biblioth�que et les cellules des moines. On a d� � cette �poque, faute d�un emplacement plus convenable, �tablir le r�fectoire dans le sous-sol, ce qui lui communique, comme on l�a dit, un pittoresque de catacombes. Le monast�re poss�de un parc d�une vingtaine d�hectares, enti�rement clos de murs et plant� de nombreux arbres.

A 600 m�tres environ de Sainte-Anne se trouve l�abbaye Saint-Michel, r�sidence des moniales b�n�dictines de la m�me Congr�gation. La fa�ade principale, de style moins s�v�re que celle de l�abbaye voisine, a belle allure avec ses ogives gracieuses, ses tourelles, ses fen�tres � meneaux qui semblent d�coup�es dans la muraille. La fondation en Bretagne, terre de sainte Anne, de deux monast�res de la Congr�gation de Solesmes semble avoir �t� contenue en germe dans la profession de Dom Gu�ranger : le restaurateur de la vie b�n�dictine en France pronon�a ses voeux � Rome, dans la basilique Saint-Paul hors les murs, en la f�te de sainte Anne, le 26 juillet 1837, devant l�insigne relique du bras de la sainte. La patronne de la Bretagne n�attirerait-elle pas chez elle un jour les fils de Dom Gu�ranger? Il n�est pas impossible que celui-ci en ait eu le pressentiment. Par deux fois au cours de l�ann�e 1855, Dom Gu�ranger visita le dioc�se de Vannes. Au mois de juillet, il �chappe comme par miracle � un accident de voiture aux environs de Theix. Cette paroisse est d�di�e � sainte C�cile, la grande martyre romaine qu�il avait donn�e comme patronne � ses moniales de Solesmes. Quelques mois plus tard, il revenait � Theix en p�lerinage de reconnaissance, et pr�sidait la translation d�une relique de sainte C�cile qu�il offrait � la paroisse.

Poussant jusqu�� la presqu��le de Rhuys, Dom Gu�ranger vint prier sur le tombeau de saint Gildas. Les noms des grands moines, si intimement m�l�s � l�histoire de cette r�gion, s�offraient � sa pens�e : un saint Patern, un saint Cado, un saint Goustan, tant d�autres. Des hauteurs du Grand Mont, sa vue embrassait un paysage tout peupl� de souvenirs monastiques : Quiberon, Locmariaquer, Belle-Isle, les �lots m�me de Houat et d'Hoedic, autant de points o� les vertus religieuses avaient vivement fleuri. Par del� la baie de Quiberon, l�abb� de Solesmes pouvait apercevoir le coin de lande bretonne que Dieu r�servait � ses fils, mais les temps n��taient pas encore r�volus.

C�est au deuxi�me successeur de Dom Gu�ranger qu�il appartiendrait de ramener en ces lieux une colonie b�n�dictine. A Solesmes, vers 1890, le nombre des moniales de l�abbaye Sainte-C�cile allait croissant, et la maison mena�ait de devenir trop petite. Il fallait songer � essaimer. Le R�v�rendissisme (Rme) Dom Delatte, abb� de Solesmes, jeta les yeux sur le dioc�se de Vannes, dont l��v�que Mgr B�cel avait maintes fois t�moign� aux b�n�dictins de France une sympathie marqu�e. Au mois d�avril 1894, M. Luneau, notaire � Carnac, fut charg� de rechercher une propri�t� assez vaste pour y �tablir deux monast�res : un pour les moniales, l�autre pour des moines qui � comme � Solesmes � assureraient le service religieux de leurs voisines. Des pourparlers s�engag�rent, �chou�rent ; enfin, le 21 mars 1895, une lettre de M. Luneau parvenait � Solesmes : elle signalait une propri�t� de 76 hectares, du nom de. Kergonan, situ�e sur le territoire de Plouharnel. La d�cision fut vite prise et le 4 juin suivant, l�acte de vente �tait sign�. Du domaine on fit deux lots ; celui des moines fut acquis par M. Glotin, alors avocat � Nantes, jurisconsulte distingu� autant que grand chr�tien, qui fut heureux d�associer son nom � celui du futur monast�re b�n�dictin.

Le domaine de Kergonan, m�tairie noble d�s le XVI�me si�cle, avait appartenu, depuis le d�but du XVIII�me aux Le Boutouillic de Kergonan. Cette famille, l�une des plus anciennes de Plouharnel, a fourni plusieurs chanoines et vicaires g�n�raux au dioc�se de Vannes avant la R�volution. La propri�t� est situ�e dans une r�gion riche en monuments m�galithiques. Tout le monde conna�t les c�l�bres alignements de Carnac, �nigme arch�ologique toute proche des deux abbayes. S�ils ont vu jadis � comme c�est probable � de vastes assembl�es pa�ennes et des sacrifices humains, ne faut-il pas consid�rer la fondation en ces lieux de deux monast�res comme une r�paration providentielle des crimes et des erreurs pass�s ?

En possession du terrain, on se mit � l'oeuvre sans retard. Un architecte de talent, M. Caubert de Cl�ry, con�ut le plan des deux �difices. Le 20 mars 1896, les travaux commen�aient au monast�re des moines, plac� sous le vocable et la protection de sainte Anne, patronne de la Bretagne. Le 30 avril, le Rme P�re Abb� de Solesmes b�nissait la premi�re pierre. Au mois de septembre, les 200 ouvriers employ�s aux travaux achevaient le gros oeuvre. L�am�nagement int�rieur occupa l�hiver suivant.

Il s�agissait maintenant de peupler le nouveau monast�re �rig� pour ses d�buts en prieur� simple. Le 26 mars 1897, au chapitre conventuel de Solesmes, Dom Paulin Joumier, alors prieur claustral, fut d�sign� comme sup�rieur de Sainte-Anne � sept moines de choeur et deux fr�res convers lui furent adjoints. Le d�part de la petite colonie bretonne s�effectua dans le courant du mois suivant. Le 24 avril fut c�l�br�e � Kergonan la premi�re messe conventuelle ; � partir du 26, on r�cita tout l�office au choeur.

Le 30 du m�me mois, le Rme P�re Abb� de Solesmes proc�da � la b�n�diction des lieux r�guliers et d�signa les titulaires des diff�rentes charges. Le 3 mai fut le jour de naissance canonique du nouveau prieur�. Devant les moines assembl�s au chapitre, l�abb� de Solesmes lut d�abord l�ordonnance d��rection, en date du 24 avril, dans laquelle Mgr l��v�que de Vannes d�clarait avec quel empressement il avait accueilli le projet de fondations b�n�dictines dans son dioc�se. Le P�re Abb� lut ensuite la charte de fondation, acte de naissance authentique du monast�re de Sainte-Anne de Kergonan. Cette journ�e historique se termina par la visite de Mgr B�cel lui-m�me. L��v�que de Vannes voulut bien assurer de nouveau la jeune communaut� de sa sympathie active et en consigner le t�moignage cordial dans le livre des actes capitulaires. Ce m�me jour, Mgr B�cel b�nissait la premi�re pierre du monast�re Saint-Michel, future r�sidence des moniales.

La sympathie du clerg� et de la population ne tarda pas � s�affirmer ; les f�tes monastiques et les f�tes paroissiales virent fraterniser les moines et le clerg� s�culier du canton. Les vieux saints bretons t�moign�rent eux-m�mes leur amiti� aux moines de Kergonan, en enrichissant de leurs pr�cieuses reliques le � tr�sor � du prieur� : saint Gildas de Rhuys, saint Armel, saint Goustan, saint Vincent Ferrier vinrent ainsi former une petite cour � sainte Anne. D�autres reliques se joignirent bient�t aux premi�res, gr�ce aux dons d�amis, g�n�reux et au z�le du P�re Tr�sorier, patient artiste, qui pour donner � ses chers saints des demeures dignes d�eux, r�alisa des chefs d'oeuvre de sculpture sur bois.

Le recrutement fut d�abord assez lent. Le premier postulant se pr�senta au d�but de d�cembre 1897. C��tait un jeune Breton de 18 ans.

Pendant que l�installation se poursuivait � Kergonan, les moniales de Sainte-C�cile de Solesmes � qui le nouveau-monast�re devait d�j�, beaucoup, et qui s��taient charg�es de monter la sacristie, travaillaient activement � la confection des ornements et des linges sacr�s. Le P�re Abb� de Solesmes abandonnait g�n�reusement � la biblioth�que naissante du prieur� nombre d�ouvrages doubles et plusieurs, int�ressantes collections.

Le 6 novembre 1897, Mgr B�cel mourait, sinc�rement pleur� par les moines de Kergonan qui avaient trouv� chez lui un d�vo�ment vraiment paternel. Son successeur, Mgr Latieule, devait s�inspirer des m�mes sentiments et les manifester sans tarder � la communaut�.

Le mois d�ao�t 1898 fut marqu� par l�inauguration du service religieux au monast�re Saint-Michel de Kergonan, o� vingt moniales de l�abbaye Sainte-C�cile de Solesmes venaient de s�installer.

Au moment o� naissait le monast�re des moniales, celui des moines arrivait canoniquement � l��ge adulte : un rescrit du Saint-Si�ge en date du 6 juillet 1898 l��rigeait en prieur� conventuel. Le choix du premier prieur conven�tuel appartient � l�abb� de Solesmes : Dom Fernand Cabrol d�sign� pr�f�ra bient�t rejoindre son monast�re de Farnborough dont il devait devenir abb�, et la communaut� de Sainte-Anne fut appel�e � �lire elle-m�me son chef le 28 avril 1899.

Les suffrages se port�rent unanimement sur le R. P. Dom Athanase Logerot, ancien ma�tre des novices de Solesmes, sous-prieur de l�abbaye de Saint-Maur. Le Rme P. Dom Edouard du Co�tlosquet, abb� de Saint-Maur, qui perdait un collaborateur pr�cieux, accepta le sacrifice que lui demandaient les moines de Kergonan et pr�sida lui-m�me le 16 mai � l�institution canonique du nouveau prieur.

Dom Logerot �tait originaire de Sabl�, au dioc�se du Mans. Il fit profession � l�abbaye de Solesmes. Dom Gu�ranger qui avait vite discern� ses rares qualit�s, le choisit pour secr�taire particulier et pour confident. Fid�le � la formation re�ue, Dom Logerot s�attacha toute sa vie � conserver l�esprit et les traditions du grand abb� b�n�dictin son ma�tre.

Pour ses d�buts le nouveau prieur re�ut plusieurs postulants. Il en vint onze en deux ans, un seul pers�v�ra jusqu�� la profession religieuse.

Cependant la temp�te qui devait secouer le jeune monast�re �tait proche : le 1er juillet 1901, les Chambres votaient la loi contre les Congr�gations religieuses. Les sup�rieurs de la Congr�gation de Solesmes d�cid�rent de chercher hors de France un lieu o� � comme l�a �crit l�un d�eux � � ils pourraient servir Dieu dans l�int�grit� et la dignit� de la profession monastique �.

C�est en Belgique, dans le dioc�se de Namur, au ch�teau de Wallay pr�s d'Ohey, que les moines de Kergonan trouv�rent cet asile hospitalier. Il appartenait � un excellent catholique, ancien magistrat, professeur de droit � l'Universit� de Louvain. La demeure, assez �troite, suffisait � une installation que l�on jugeait provisoire. On se persuadait que l�exil serait de courte dur�e, que de prochaines �lections ram�neraient les religieux en France. Le ch�teau �tait lou� meubl�, presque tout le mobilier monastique resta � Kergonan.

L�exil s�parait les deux communaut�s bretonnes : les moniales de Saint-Michel avaient cherch� refuge en Angleterre. Elles habiteront successivement la banlieue de Londres et l'�le de Wight.

L�exode des moines se fit par petits groupes. Les derniers partants dirent adieu � la Bretagne le 29 septembre, en chantant la messe dans la Basilique de Sainte-Anne d'Au�ray. Le 2 octobre, toute la famille monastique se trouvait r�unie � Wallay, sous l��gide des saints anges gardiens.

L�accueil du clerg� et de la population belge fut tr�s sympathique. Sa Grandeur Mgr Heylen, �v�que de Namur, donnait l�exemple, en offrant aux religieux fran�ais une large hospitalit� dans son dioc�se. Il conviendrait ici d�exprimer notre gratitude � tous nos amis de la premi�re heure, et d��voquer sp�cialement la m�moire de la bienfaisante ch�telaine de Gesves.

Peu d��v�nements sont � signaler pendant le s�jour de 4 ans que fit la communaut� au ch�teau de Wallay. Plusieurs postulants vinrent de France et ne pers�v�r�rent pas ; on n�enregistra en cette p�riode que deux professions. La communaut� eut aussi la douleur de perdre le 31 juillet 1903, en la personne de Dom Daval, le premier de ses membres morts en exil.

Les ann�es s��coulaient et l�on n�entrevoyait gu�re la possibilit� d�un retour en France. Le ch�teau de Wallay, demeure provisoire, se pr�tait assez mal � l�organisation de la vie conventuelle ; aussi, en 1905, Dom Logerot se remit-il en qu�te. Apr�s bien des recherches, il d�couvrit aupr�s de Ciney, petite ville de la province de Namur, un vaste immeuble disponible, le ch�teau de Linciaux, entour� de bois et de prairies. Les pourparlers engag�s aboutirent ; le ch�teau lou� convenait � une installation monastique : un grand hall servirait d'Oratoire, deux pi�ces du rez-de-chauss�e pourraient recevoir la biblioth�que, qui venait de s�accro�tre par l�achat d�un fonds consid�rable d�ouvrages th�ologiques et historiques. De nombreuses chambres vacantes permettraient d�accueillir les postulants hypoth�tiques et d�sir�s.

Les premiers ne devaient pourtant appara�tre que deux ans plus tard. Le Seigneur accordait cette consolation au T. R. P. Dom Logerot, avant de l�appeler � la r�compense c�leste. Le mardi saint 14 avril 1908, le P�re Prieur, gravement atteint, recevait les derniers sacrements et adressait ses adieux � ses fils, en des termes pleins de fermet� et de confiance. Le lendemain, il mourait paisiblement. Dom Logerot repose dans le cimeti�re de Ciney, loin du monast�re breton qu�il a tant aim�.

Pendant ses neuf ann�es de gouvernement, l�ancien secr�taire de Dom Gu�ranger s�est surtout appliqu� �. faire de sa maison un centre de pri�re liturgique. Il voulait que l�opus Dei f�t pour ses moines le grand moyen de glorifier Dieu, de Le servir, de s�unir � Lui. De temp�rament positif et d�esprit pratique, il se rendait compte de tous les d�tails et d�m�lait vite le fort et le faible d�une question. Il semblait trancher parfois les affaires d�une mani�re un peu soudaine, mais il �tait rare que les �v�nements ne lui donnassent pas raison. Le samedi 2 mai, le chapitre conventuel de Sainte-Anne, r�uni sous la pr�sidence du Rme P. Abb� de Solesmes, �lisait le successeur de Dom Logerot. Le nouveau prieur, Dom Joseph Marsille, remplissait depuis un an les fonctions de ma�tre des novices, il avait alors 56 ans. Docteur en philosophie du coll�ge romain, il avait �t� re�u � la profession monastique le 8 mai 1881 � Saint-Pierre de Solesmes. Pendant 12 ans il fut z�lateur des novices dans cette abbaye. Attach� comme Dom Logerot � l�esprit de Dom Gu�ranger, b�n�ficiant d�une forte culture philosophique et th�ologique, Dom Marsille saurait distribuer abondamment � ses fils la doctrine surnaturelle. De 1909 � 1915 le nouveau prieur re�ut onze professions.

L�activit� du prieur� de Sainte-Anne se concentrait sur la formation int�rieure, l�instruction des jeunes prof�s, la croissance du monast�re m�me. Dom Marsille aimait � dire � ses novices qu�il visait � faire d�eux des cadres pour l�avenir. L�office divin �tait c�l�br� � Linciaux avec z�le et dignit�, et on peut dire que le prieur� r�alisa la � schola divini servitii � dans des conditions difficiles, malgr� un recrutement pr�caire et un local insuffisamment appropri�.

On avait bien song� � se fixer ailleurs, on regarda m�me vers l'Italie, l'Espagne, l'Angleterre. Finalement c�est � Linciaux qu�on d�cida de s�installer d�une fa�on durable. Le propri�taire du ch�teau consentait une prolongation de bail, il permettait d�am�nager les d�pendances, de construire une chapelle. Le moment sembla venu de solliciter du Saint-Si�ge l'�rection du monast�re � la dignit� d�abbaye.

Au mois de mai 1914, le chapitre g�n�ral de la Congr�gation �mit un avis favorable  que daign�rent appuyer les �v�ques de Namur et de Vannes. Le 24 juillet, l�abb� de Solesmes arrivait � Linciaux, porteur de la bonne nouvelle attendue. Il fallait �lire un abb� : d�un vote unanime, le 25 juillet apr�s les premi�res v�pres, de sainte Anne, les capitulants port�rent leur choix sur le R. Dom Marsille. Sainte Anne avait pr�par� cette �lection, dans le dessein sans doute de serrer plus �troitement les fils autour du p�re de famille, pour traverser, les mauvais jours tout proches : le 3 ao�t, l'Allemagne d�clarait la guerre � la France et � la Belgique. Le 5, plusieurs de nos fr�res, atteints par l�ordre de mobilisation, partaient pour l'arm�e. Les projets d�agrandissement furent abandonn�s. C�est en Bretagne que la Providence avait d�cr�t� de faire revenir les moines de Kergonan.

Il n�est pas question de relater ici en d�tail les incidents et les souffrances des ann�es de guerre. Un des moines de Sainte-Anne les r�sumait ainsi : � Sauf au d�but et � la fin des hostilit�s, les contacts directs avec les troupes allemandes nous furent g�n�ralement �pargn�s ; mais il nous fallut subir les p�nibles conditions de la vie en Belgique occup�e. Nous conn�mes le rationnement du pain et des pommes de terre, la chert� des vivres, la soupe et le plat quotidien de rutabagas. La Providence vint cependant � notre aide : des personnes charitables nous procuraient parfois, en fraude et au risque de fortes amendes, un suppl�ment � la ration officielle. Une des privations les plus sensibles fut celle du luminaire. Elle nous obligea � passer dans l�obscurit� les longues soir�es d�hiver, et � changer compl�tement les heures de nos exercices �.

� Les souffrances morales furent plus p�nibles et plus d�primantes : impression de lourde captivit�, assujettissements divers dus au r�gime d�occupation, silence presque complet de nos familles, incertitudes sur la dur�e et l'issue de la guerre, nouvelles tendancieuses r�pandues par la presse contr�l�e. Toutefois il est juste de reconna�tre que, dans nos relations administratives avec les envahisseurs, nous e�mes parfois affaire � des officiers corrects et m�me courtois.

Les sant�s subirent les cons�quences de ces �preuves et de ce r�gime. Au d�but de 1917, on dut supprimer pendant un mois la r�citation en commun des matines, et pendant trois semaines se contenter d�une messe conventuelle non chant�e. A la fin de la guerre, la plupart des membres de la communaut� �taient tr�s affaiblis.

On peut bien attribuer � ces fatigues la mort du R. P. Dom Joumier, prieur, d�c�d� le 17 d�cembre 1917.

Est-il besoin de dire que la pri�re fut, en cette �preuve, notre premier et notre constant secours : pri�re conventuelle se manifestant surtout par de nombreuses messes c�l�br�es pour la France, pour la paix, pour les soldats tu�s ; pri�re priv�e, stimul�e par la gravit� des �v�nements et facilit�e par les longues heures d�obscurit� que nous d�mes subir.

A toutes les tristesses de cette p�riode le Seigneur ap�porta d�ailleurs des consolations. La principale fut la b�n�diction abbatiale du Rme Dom Marsille. Il la re�ut le 26 juillet 1915, des mains de Mgr Heylen, �v�que de Namur, dans l��glise paroissiale de Leignon. Les deux pr�lats assistants furent le Rme P�re Godefroid Madelaine, abb� des Pr�montr�s de Leffe et le T. R. P. Dom Henri, abb� de la Trappe de Saint-R�mi � Rochefort. La c�r�monie fut discr�te et intime ainsi que le demandaient les circonstances. Une famille de Leignon, grande amie du monast�re, donna une fois de plus ce jour l� la mesure de sa bienveillance et de sa large hospitalit�.

L�armistice vint enfin. Le 19 novembre 1918, les derniers soldats allemands c�daient la place aux troupes anglaises. Bient�t la poste �tait r�organis�e. Le 8 d�cembre nous arrivaient les premi�res lettres de France, et nous ne tardions pas � apprendre que sainte Anne avait prot�g� jusqu�au bout nos moines soldats �.

Aussit�t apr�s la guerre, le Rme Dom Marsille songea � ramener sa communaut� en Bretagne. Le Seigneur avait pr�par�, de loin et � l�insu des moines, leur retour futur. L��v�nement appartient � la p�riode d�avant guerre, il s�agit de la liquidation du monast�re de Kergonan. Le mobilier, laiss� dans la maison avec un bel optimisme, avait �t� bient�t vendu et dispers� ; quant � l�immeuble, il paraissait �tre dans une situation l�gale inattaquable : le propri�taire avait achet� le terrain d�s avant la construction du monast�re, il avait un locataire r�gulier, le R. P. Dom Joseph Marsille. Malgr� ces titres, le liquidateur pr�tendit englober le prieur� de Kergonan dans les biens de la Congr�gation de Solesmes. Les juges de Lorient et d'Angers lui donn�rent raison, sans �couter la vigoureuse protestation que Dom Marsille fit alors ins�rer dans la presse locale : � Les amateurs sont avis�s par la presse que le monast�re et la ferme de Kergonan se trouvent � proximit� des c�l�bres alignements m�galithiques de Carnac, et que la vue est splendide de tous c�t�s, surtout sur la baie de Quiberon. Deux points essentiels ont �t� omis dans cette description pittoresque et all�chante. Nous avons le devoir de combler cette grave lacune, afin d��clairer la religion des gens honn�tes et des catholiques consciencieux : Kergonan a d�j� un propri�taire, nous d�clarons revendiquer ce qui est et demeure notre bien �.

� Ce n�est pas tout. Les fondateurs du monast�re de Kergonan ont affect� fonds et �difice aux b�n�dictins, c�est dire que l��difice monastique et ses d�pendances ont �t� consacr�s � une intention religieuse. Nous devons donc rappeler que les d�tenteurs de pareils biens... attirent sur eux les mal�dictions divines, et qu�ils encourent la peine de l'excommunication �.

Le 12 novembre 1906, la Cour de Cassation, en rejetant le pourvoi du propri�taire M. Glotin, rendait la spoliation d�finitive. Mise aux ench�res, la ferme de Kergonan fut adjug�e � Mademoiselle Anna Marsille, cousine du R. P. Prieur, qui agissait, on le devine, avec l�agr�ment de l�autorit� religieuse. Apr�s deux mises en vente sans r�sultat, le monast�re fut acquis par la m�me demoiselle Marsille : la r�union des biens monastiques dans les mains d�une personne d�vou�e aux int�r�ts de la communaut� facilitait le retour d�cid� par le P�re Abb�.

Au mois de septembre 1919 arrivait � Plouharnel un premier groupe de moines destin�s � desservir les moniales de Saint-Michel qui, elles aussi, rentraient d�exil. Le printemps et l��t� de 1920 furent occup�s � Linciaux par les op�rations du d�m�nagement ; le 15 ao�t, la messe conventuelle y fut chant�e pour la derni�re fois. Il ne restait plus alors que neuf moines en Belgique. Le 25 ao�t, le P�re Abb� partait lui-m�me, remerciant la paternelle Providence de toutes les gr�ces accord�es � la Communaut� pendant ses 19 ans de s�jour dans ce pays hospitalier. Le convent laissait au cimeti�re de Ciney quatre de ses membres morts en exil.

Dans l�apr�s-midi du 9 octobre 1920, la modeste cloche de l�abbaye Sainte-Anne annon�ait l�arriv�e du P�re Abb� et la reprise officielle de la vie conventuelle. La r�ception fut liturgique, solennelle et filiale. La joie de tous s'exprima en psaumes de circonstance, et en � chants du retour � compos�s par l�un des moines.

D�j� la maison s�organisait. Le noviciat fut install� dans une villa proche de l'abbaye, ancienne demeure des h�tes. Le recrutement semblait s�annoncer favorablement : � la fin de 1921, huit postulants avaient re�u l�habit monastique. Le 11 novembre 1921 eut lieu la premi�re profession apr�s l�exil. Depuis lors, le grand mouvement de vocations qui fut remarqu� au lendemain de la guerre, s�est un peu ralenti. L�accroissement de la Communaut� par les professions d�apr�s guerre n�a pas �t� sans une contre partie douloureuse, et dans le petit cimeti�re de l�enclos plusieurs moines de Sainte-Anne sont all�s dormir.

L�abbaye s�est aussi sinc�rement unie au deuil du dioc�se de Vannes, quand Mgr Gouraud fut rappel� � Dieu en 1928, apr�s un �piscopat tr�s f�cond. C��tait un devoir de reconnaissance, car Mgr Gouraud avait toujours t�moign� une sympathie tr�s surnaturelle � la famille b�n�dictine �tablie dans son dioc�se. Son successeur est un p�re tr�s bon et tr�s d�vou� qui sait appr�cier le r�le des ordres contemplatifs dans l�Eglise. Au cours des visites qu�il a bien voulu faire au monast�re, Son Excel�lence Mgr Tr�hiou s�est gagn� tous les coeurs.

Le 8 mai 1931, le Rme P�re Dom Marsille f�tait dans l'intimit�, le cinquanti�me anniversaire de sa profession religieuse. Ce fut une de ses derni�res joies ; sa sant�, d�j� bien affaiblie, allait subir pendant plus de deux ans un progressif d�clin. Apr�s un dernier mois de souffrances particuli�rement p�nibles et purifiantes, Dom Marsille s��teignit paisiblement le 20 novembre 1933. Ses obs�ques eurent lieu le 23 novembre. Monseigneur l��v�que de Vannes c�l�bra la messe pontificale de Requiem. Monseigneur Duparc, �v�que de Quimper, ami personnel du d�funt, pronon�a son �loge fun�bre. La pr�sence de plusieurs Abb�s et de nombreux eccl�siastiques, l'affluence des parents et des amis contribu�rent � faire de ces obs�ques un �mouvant hommage � la m�moire du disparu.

Le Chapitre de Sainte-Anne de Kergonan se r�unit sous la pr�sidence du Rme P�re Abb� de Solesmes le 11 d�cembre suivant, et �lut comme successeur de Dom Marsille un prof�s d�apr�s guerre. Confirm� le m�me jour au nom du Saint-Si�ge par l�abb� de Solesmes, Dom Henri Dema�zure a re�u la b�n�diction abbatiale des mains de Mgr Tr�hiou le 15 janvier 1934, au cours d�une c�r�monie � la fois tr�s solennelle et toute familiale. Il �tait assist� du Rme P�re Abb� de Solesmes et du Rme. Abb� coadjuteur de Farnborough.

Avec un nouveau chef, sous la protection continu�e de sainte Anne, l'oeuvre monastique se poursuit � Kergonan.

De cette vie monastique elle-m�me, qui pour beaucoup est une �nigme, il n'est pas inutile de dire un mot. Les b�n�dictins ou moines noirs sont des religieux qui suivent � avec quelques mitigations � la lettre, et en tous cas l�esprit de la r�gle compos�e par saint Beno�t au d�but du VI�me si�cle. La vie religieuse, c�est essentiellement la recherche de la perfection, de la saintet�, de l�union � Dieu d�s cette vie par la pratique des voeux de religion. Les voeux sont des moyens qui facilitent ce travail ardu, sans le r�aliser automatiquement � on l�entend assez. Le monast�re est, comme le dit la r�gle, une �cole du service divin, les moines sont des soldats qui combattent pour la gloire de Dieu, avec les armes de l�ob�issance. Le si�cle dernier a-t-il assez raill� cette vertu d�ob�issance qu�il estimait fatale aux droits du citoyen libre, et voici que de tous c�t�s, les hommes appellent le dictateur qui voudra bien les asservir ! Les moines ne connaissent pas ces caprices d�opinion. Ils suivent leur voie, trac�e suivant les principes immuables d�une sagesse qui a fait ses preuves. Pour r�aliser leur but principal de sanctification, les diff�rents ordres religieux emploient des moyens vari�s. Outre l�occupation essentielle de la pri�re, beaucoup se livrent aux oeuvres de charit� � l��gard du prochain : pr�dication, enseignement, soin des malades... Sans �carter absolument et a priori toute activit� ext�rieure, les b�n�dictins de la Congr�gation de France limitent en principe leur action � l�int�rieur du monast�re : la c�l�bration de l�office divin, cette pri�re publique et officielle de l�Eglise, tel est le centre de la vie b�n�dictine. En dehors des heures de pr�sence au choeur, le moine se livrera d�abord aux �tudes scripturaires, th�ologiques et liturgiques, qui nourrissent sa pri�re et facilitent son occupation principale. Les heures de loisir sont consacr�es � des travaux en rapport avec les aptitudes sp�ciales de chacun, mais toujours entrepris avec l�agr�ment ou sur l�ordre du Sup�rieur, � qui il appartient de tout organiser pour le bien g�n�ral.

L�examen d�une journ�e b�n�dictine en 1934 montrera de fa�on pratique comment se r�alise l�emploi du temps. A 4 heures la cloche sonne le r�veil, les moines se r�unissent au choeur pour r�citer Matines et Laudes. Suivent les messes priv�es, le petit d�jeuner, puis l�office de Prime � 7 h. 1/4 � de 7 h. 45 � 9 heures travail en cellule. La grand�messe conventuelle � pr�c�d�e de Tierce et suivie ordinairement de Sexte � est chant�e � 9 heures. Travail en cellule jusqu�au repas de midi qui est suivi d�une heure de r�cr�ation prise en commun. Le travail, intellectuel ou manuel, occupe ensuite les moines, jusqu�� 4 heures. Ils se rendent alors au choeur pour r�citer None et V�pres. Etude ensuite jusqu�� la conf�rence de 6 h. 1/2 qui r�unit tous les p�res et novices de choeur. A 7 heures, repas et r�cr�ation. Derni�re r�union � l�oratoire � 8 heures pour l�office de Complies, enfin coucher vers 8 h. 1/2 � En �t�, tous les exercices sont retard�s d�une heure.

La grand�messe et les v�pres sont toujours chant�es ; pour les autres parties de l�office, le chant et la dur�e de pr�sence au choeur varient avec la solennit� de la f�te. Toutes les semaines, une promenade en dehors de l�enclos fournit un d�lassement salutaire. Outre les P�res de choeur dont il vient d��tre question, le monast�re b�n�dictin renferme des fr�res convers qui appartiennent vraiment � la famille monastique et �mettent des voeux perp�tuels, mais ils ne sont pas destin�s � recevoir les ordres sacr�s. Les fr�res convers sont v�tus de brun. Ils assistent au choeur � une partie de l�office, qu�ils compl�tent par la r�citation de pri�res en commun. Ils ont aussi leurs conf�rences sp�ciales. Ils sont charg�s de diff�rents emplois indispensables dans toute communaut� : cuisine, entretien de la maison, culture du jardin... La vie r�guli�re, simple et paisible des fr�res convers est tr�s favorable au recueillement et � la sanctification.

Les monast�res b�n�dictins existant dans le monde en 1934 forment 14 Congr�gations ; leur ensemble constitue l�ordre b�n�dictin. Sainte-Anne de Kergonan appartient � la Congr�gation de France dont le Sup�rieur est l�abb� de Solesmes. Conform�ment � la tradition ancienne, chaque abbaye garde pourtant son autonomie : l�abb� qui la gouverne, �lu � vie par tous les prof�s solennels, tient directement ses pouvoirs du Saint-Si�ge, sa juridiction et sa responsabilit� s��tendent au spirituel comme au temporel. Il doit �tre vraiment l��me et la forme de sa maison. Tous les moines ajoutent aux voeux habituels de religion le voeu de stabilit� dans leur monast�re. Les b�n�dictins �chappent ainsi plus facilement � l�uniformit� moderne, � la tyrannie du � standard �, et les diff�rentes abbayes peuvent pr�senter une originalit� discr�te, mais r�elle. Partout d�ailleurs se retrouvent les traits caract�ristiques de la spiritualit� b�n�dictine : largeur de vues, humilit� confiante, simplicit�.

Un monast�re fervent constitue un centre de r�sistance chr�tienne, un foyer de rayonnement et un exemple. L�expressive beaut� du chant gr�gorien, la dignit� des c�r�monies liturgiques conqui�rent doucement les �mes des assistants. Plus d�un visiteur occasionnel est ainsi peu � peu devenu un ami. Parmi ses amis, chaque abbaye b�n�dictine en poss�de qui lui sont plus particuli�rement attach�s, ce sont ses oblats � qu�on ne pense pas ici au cas d�un Huysmans, r�sidant dans le monast�re m�me. Les oblats s�culiers, pr�tres ou la�cs � et les oblates � vivent dans le monde. Sans contracter d�obligations difficiles ni de devoirs nouveaux, ils s�appliquent � � orienter leur vie dans le sens de l�esprit monastique et de la perfection chr�tienne �. Ils r�alisent ainsi la d�finition qu�on a donn� d�eux : � les associ�s de la louange divine �, restant fid�les � la devise b�n�dictine � Pax � et au noble souhait formul� dans la r�gle : � Ut in omnibus glorificetur Deus �.

L�application des principes monastiques facilite ainsi la glorification de Dieu, ce but dernier de toute vie humaine ; mais l��me qui entendant l�appel plus sp�cial du ma�tre y aura loyalement r�pondu, trouvera, dans le monast�re m�me, � notre �poque sceptique et inqui�te, un suppl�ment de certitude, de calme assurance et de s�r�nit� (1934).

 

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